Critique par Piotr Korzeniowski

 

Tout au début de son exposé, Emile signale, avec une légère réserve, que son opinion a un caractère instinctif et qu’elle est le résultat d’une libre pensée. Nonobstant l’introduction suggérant une élaboration peu structurée, à mon étonnement, je ne me suis pas heurté à une dérive pensive chaotique. Bien au contraire – le texte a un caractère d’une explication logique et bien ordonnée, peut-être résultant de pressentiments personnels et basée sur les intuitions de l’auteur, mais construite en tableau verbal multi-surface. C’est important, parce que ce tableau permet de percevoir une vision – personnelle et sincère – ce qui est essentiel dans la création individuelle et en règle générale….

 

La première partie de réflexion titrée : „libres pensées durant la création” montre l’essentiel et les fondements du caractère créateur de l’auteur. C’est comme cela que je le lis. Ce qui est précieux dans ces „libres pensées”, c’est leur consolidation dans le contexte de différentes et multiples perspectives. Mais l’essentiel, le clou global de ces propos, est la perception d’axiomes de la réalité par rapport à l’action qu’est la peinture. La découverte de liaisons sur des nombreux niveaux contribue à une structuration lucide d’idées, ayant les caractéristiques d’une conception du monde. Je trouve que ce n’est pas une théorie qui sort de nulle part et qui aurait été fondée, entre autre, pour pouvoir justifier la liberté d’actions sur une toile. Non ! Dans ce cas c’est un point de vue mature, ancré dans le besoin d’un profond et complet regard sur la réalité. Ce qui me convainc, c’est la forme globale de ce „tableau verbal”. Emile construit son propre cursus pensif, en s’étayant sur les intuitions et pressentiments, on les faisant se heurter aux constructions philosophiques (en autres Georges Steiner, Nelson Goodman, Gottfried Wilhelm, Leibniz), ainsi qu’avec la théologie, les mathématiques, ou la physique; mais aussi en les filtrant par ses propres expériences de peintre, en vérifiant individuellement de cette façon sa légitimité (c’est ce que témoigne la deuxième partie de l’ouvrage avec son titre ordinaire „notes techniques”). L’ensemble prend une forme différenciée – par moments une réflexion philosophico-scientifique, et par instant une profession individuelle de foi dans la peinture. J’aurai défini l’intégralité du caractère de ce texte comme un manifeste créateur individuel et mature. Cependant il n’est pas dirigé vers la réalité existante qui nous entoure, apparence du monde de destinataires et créateurs, déterminés par des mécanismes visuel-imagé de l’offre et de la demande. C’est plutôt un manifeste intérieur. Emile est capable de délimiter et différencier pseudo-réalité de la réalité même, bredouillage de sens composés sémantiquement – c’est qui est, dans mon opinion, particulièrement essentiel - tenant compte d’utilisation de la forme abstraite dans la peinture.

Quand aujourd’hui génie imagé conjugué avec la machine publicitaire, au service d’un système corporatif de stérilisation de la réalité – on l’appelle l’art – pour cela je suis tranquille! Parce que quelques fous armés d’un pinceau et de la toile, avec une facilité et légèreté extraordinaire, abattent quotidiennement ce „colosse gonflé aux pieds d’argile” ! Et même si nous n’allons pas entendre cela dans les médias, ou dans la presse, cet équilibre existe – grâce à leurs attitudes. Est-ce que Emile est le partisan ? Qu’il réponde tout-seul….

Pour moi comme réponse, le fragment de son texte suffit (je cite) :

 

Alors nous arrivons à la différence entre l’invention, qui engendre des monstres, amalgames de choses qui existent déjà, et la création, qui vient de ce que Dieu aurait pu créer, ce qui vient de ce chaos, de cette vie en puissance, de toutes ces formes qui n’ont pas eu la possibilité d’exister et qui, rappelons-le, n’existent pas. Les passagers clandestins de nos âmes, c’est la façon dont j’aime les nommer. (…) Car tout ce qui fait référence à l’existence sans prétexte est art de part le fait de sa part d’incommensurabilité contenue.

 

 

Le regard sur l’œuvre dans la perspective du travail écrit „construite” de cette manière me semble important dans le cas de la peinture d’Emile. Pourquoi ? Parce que la façon d’organiser les propos – de ce tableau verbal, est cohérant avec la méthode et le processus d’organisation des éléments de peinture sur une toile. Des travaux ici présentés sont dans un certain sens une sublimation de tableaux antérieurs et recherches actuelles de peinture, ainsi que de l’intuition de l’auteur. Et celles-ci depuis quelques années se matérialisent dans la langue abstraite de formes. Ainsi nous allons voir en quoi consiste cette coïncidence de la construction verbale et imagée. Dans l’un et l’autre cas le sens résulte, mais plus-tôt se précipite d’un ensemble et il n’est pas réalisable par la voie d’organisation discursive de la matière de la peinture (ou verbale). Ici l’essentiel est le processus! Analogiquement par rapport aux clichés pensifs dans le texte, la structure condensée du tableau découle de la stratification des clichés d’émotions, en s’accumulant dans le mouvement quasiment naturel ; c’est de cette structure que se cristallise dans certains moments un sens subjectif et le vrai du tableau. Les flous de couleurs coulants gravitationnellement, incorporant des éléments de typographie, les contrastes des taches et des lignes, la calligraphie, sec des pastels, densité d’acrylique et transparence de l’encre lavis, la poésie de bande dessinée et l’expression de formes tachistes… Est-ce que cela veut dire que dans cette penture il manque de contrôle, d’ordre, de logique ? Non ! Il y a tout, mais il a une non-façonnée, non-linéaire forme – à laquelle que nous n’avons pas l’habitude et à laquelle nous ne sommes pas accoutumés dans notre perception narrative et descriptive du monde. Toutefois ce n’est pas une révolution! En fin, il y déjà eu lieu de telles „constructions”, comme „Rayuela” de Julio Cortázar, „Ulysse” de James Joyce, atonalité dans la musique, ou cubisme, ou bien l’abstractionnisme expressif… Cependant sans exagération – il ne s’agit pas ici d’une forme révolutionnaire. C’est plutôt une exemplification individuelle de l’attitude – une expression non-linéaire, remuement de la réalité exhaustive et lucide, une ouverture à son sens. Alors, ils sont comment ces tableaux ?! Moi, je le sais pour moi – mais cela n’a pas d’importance, parce que grâce à eux, chacun ferais un autre voyage… Mais le caractère et la portée de ce voyage Emile lui-même l’a bien formulée (je cite) :

 

Je pense donc que l’esprit distinct de la matière ont le même âge. Ils sont éternels et instantanées. Toutes les possibilités existent en même temps. Nous serions donc tous aussi éternels que notre univers instantané…”

 

En résumant mon argumentation, je reconnais que la cohérence non linéaire de son travail écrit présenté, en jonction avec une construction analogique et l’expression de travaux de peinture, composantesà la thèse de master d’Emile Roduit, permets dans mon opinion de distinguer une mature et persuasive attitude créative de l’auteur. C’est pour quoi, l’ensemble de ses accomplissements entrants dans le domaine de la licence, j’évalue positivement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cracovie, le 30.06.2010 Piotr Korzeniowski





Traduis du polonais par Silwia Marendaz

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